La fétichisation raciale est l’acte ou la pensée de transformer une personne en objet de désir basé sur un aspect de son identité raciale. On associe souvent le désir à une attirance sexuelle, mais la fétichisation peut s’étendre au-delà, comme vouloir qu’une personne agisse d’une certaine manière. Ces désirs contribuent aux préjugés et, combinés à la déshumanisation inhérente à la fétichisation, mènent souvent à la violence raciale et sexiste. Bien que parfois perçue comme inoffensive, la fétichisation perpétue le racisme issu du colonialisme et a un impact négatif majeur sur la santé et le bien-être des personnes fétichisées.
Le racisme, le sexisme et le colonialisme sont à la racine de la fétichisation. Son origine remonte aux colons qui considéraient les personnes racisées comme des « curiosités ». Le corps des Noirs a été érotisé par les colons européens dès leur arrivée dans le Nouveau Monde. L’invasion de l’Afrique par les Européens s’est accompagnée d’une fascination et d’une fétichisation des femmes africaines. L’exposition des Africains comme attractions touristiques en Europe a contribué à déshumaniser tout un peuple et à justifier l’esclavage et les abus. Aujourd’hui encore, l’hypersexualisation du corps noir persiste dans les médias et les préjugés, et la violence systémique envers les Noirs continue.
La fétichisation des femmes d’Asie de l’Est et du Sud-Est est largement connue sous le nom de « fièvre jaune ». Depuis les 18e et 19e siècles, marqués par l’impérialisme et l’orientalisme, l’Occident s’est entiché de l’Orient. L’obsession pour la chinoiserie, l’imitation des motifs et techniques chinoises dans l’art occidental, a transformé le corps des femmes asiatiques en objet décoratif. Stéréotypées comme dociles et soumises, associées au mythe de la « minorité modèle » et perçues comme des « éternelles étrangères », les femmes asiatiques continuent d’être considérées comme des êtres exotiques et fétichisées.
L’occupation militaire américaine en Asie a également joué un rôle important dans la fétichisation des femmes asiatiques. De nombreuses personnes se sont tournées vers la prostitution pendant la guerre, normalisant la perception occidentale des Asiatiques comme des marchandises hypersexualisées. Les pays d’Asie du Sud-Est ont subi la domination, la violence et l’impérialisme occidentaux (guerre du Vietnam, conflits indochinois, guerre américano-philippine). Les viols, agressions sexuelles et grossesses forcées infligés aux femmes par les soldats ont contribué à la fétichisation actuelle des femmes d’Asie du Sud-Est.
Ce passé de violence raciale et sexiste perpétrée par les puissances coloniales a ancré l’idée que les femmes asiatiques sont des êtres jetables et conquérables. Comme l’a écrit Sara Li dans un article pour Cosmopolitan après la fusillade d’Atlanta, « Lorsque les femmes asiatiques sont érotisées à grande échelle et déshumanisées, cela les met en danger au niveau systémique. » La déshumanisation et l’objectification des personnes racisées ont engendré et continuent d’engendrer une violence omniprésente.
La fétichisation ne se limite pas aux femmes racisées; elle existe aussi au sein des communautés non blanches et LGBTQ+. Les hommes noirs, latinos et asiatiques vivent la fétichisation de manière unique et douloureuse, tout comme les membres de la communauté LGBTQ+. La fétichisation au sein de ces groupes minoritaires est enracinée dans le colonialisme et influencée par les normes de beauté européennes. Cela se manifeste par le colorisme, le texturisme et le fétichisme des traits, où certains attributs physiques sont valorisés au détriment d’autres (peau foncée, cheveux texturés, nez large). Hors du contexte amoureux, cette fétichisation influence la perception des enfants. Dans la communauté LGBTQ+, les personnes racisées continuent d’être exotisées. La fétichisation par des membres de leur propre communauté peut amplifier les problèmes de santé mentale.
Être l’objet de fétichisation engendre un sentiment d’aliénation et d’exclusion. Cela peut conduire à l’isolement et inhiber le développement de soi. Se conformer aux stéréotypes associés à la fétichisation peut sembler plus facile et sécuritaire. Le questionnement constant sur la perception d’autrui, le doute d’être apprécié pour soi-même plutôt que pour des caractéristiques physiques ou la satisfaction d’un fantasme, peuvent affecter l’estime de soi. Ignorer la fétichisation peut mener à l’intériorisation des préjugés racistes, tant chez l’agresseur que chez la victime, entraînant de la haine de soi et une image négative de soi. Ces conflits internes et la discrimination subie sont liés à des niveaux d’anxiété, de dépression et de troubles du sommeil plus élevés.
La fétichisation raciale peut aussi entraîner des symptômes physiologiques. L’American Psychological Association (APA) a établi un lien entre l’objectification raciale et sexuelle et des problèmes de santé chez les femmes asio-américaines, notamment des symptômes de traumatisme, de l’anxiété liée à l’image corporelle et des troubles alimentaires. De plus, le traumatisme racial, contrairement aux formes traditionnelles de traumatisme et de TSPT, est plus susceptible de se produire indirectement. Il est indissociable du contexte sociopolitique, et sa résolution réside donc dans le système global plutôt que dans l’individu ou son environnement immédiat. Ce manque de contrôle et ce sentiment réduit d’agentivité peuvent contribuer au stress et à des problèmes de santé physique et mentale.